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OPALE VENISE IRISEE - Chapitre 12

12

 

Matteo, le chef de rédaction de la Nuova Voce di Venezia n'arrivait pas à joindre sa famille depuis que sa femme avait emmené les enfants se réfugier dans son village natal, chez sa mère, à la montagne, près de Brescia.

- Pourtant, c'est pas là-bas que les inondations peuvent couper les communications, bon Dieu, jura-t-il !

Il se passa la main sur le visage. Il était envahi de barbe. Une vague angoisse nouée au niveau de l'estomac, il repensa à ce qu'il avait dit à Luigi, quelques heures auparavant. Le reporter lui avait paru incroyablement négligé, même si Matteo savait qu'il avait passé la nuit à travailler dans des conditions épouvantables. Mais lui-même, à l'heure qu'il est, ne devait pas paraître beaucoup plus civilisé. Lui, toujours si soucieux de son apparence !... Ce n'est pas que les autres femmes que la sienne l'attiraient. Si bien sûr ! Mais le problème n'était pas là... Il s'agissait de se savoir à son avantage en toutes circonstances, voilà tout ! Il bougonnait encore lorsque tout le système informatique de la rédaction s'éteignit. Il remit à plus tard l'idée d'aller se rafraîchir aux toilettes...

- Allons bon ! Qu'est-ce que c'est que ça, encore ?

Il sortit de son bureau en trombe, l'affolement le plus complet régnait à tous les postes. L'un de ses employés lui confirma ce qu'il redoutait déjà : plus aucune communication ne fonctionnait, tout s'était arrêté d'un coup. Les spécialistes tâchaient déjà de remédier au problème, mais plus rien ne semblait dépendre de leurs compétences.

 

Théo se servait parfois de sa gaffe pour pêcher les sacs plastiques et autres détritus qui flottaient à la surface de l'eau, tout en dirigeant la gondole ici et là. Vittorio s'était emparé de l'épuisette que ses fils, lorsqu'ils étaient enfants, utilisaient pour aller à la pêche aux crevettes. Le tableau aurait pu être risible, si d'autres Vénitiens n'avaient pas eu l'idée d'en faire autant, pour laisser les pompiers à leurs priorités. Le ciel bas semblait encore menaçant, mais pour l'instant au moins, il ne pleuvait plus. D'ailleurs, une ligne inégale d'algues, de sable de coquillages, de vase imprégnait les façades malodorantes et indiquait ainsi que le niveau de l'eau baissait enfin. Était-ce réellement une bonne nouvelle ? Bien entendu ! Mais chaque Vénitien redoutait le moment de passer au constat des dégâts... Enfin ! Chacun retrousserait ses manches, comme en témoignait cette pêche aux déchets de plastique un peu partout, n'est-ce-pas ?

- Ta femme et le bébé vont bien ? demanda soudain Vittorio.

Théo s'aperçut alors qu'il n'avait pas essayé de savoir comment sa famille avait passé la nuit ! Il fouilla dans sa poche intérieure sans même répondre, saisit son portable, et cliqua sur le bouton d'appel vers Bruna. Comme aucun son ne lui parvint dans l'appareil, il regarda le patron du bar d'un air sombre.

- Tu sais pas ? Tu vas remonter vers chez toi, qu'on ramasse les détritus ici ou ailleurs, on s'en fiche ! lui proposa Vittorio.

Théo répondit d'un signe de tête, soudain pâle comme un masque, et se hâta de récupérer sa gaffe pour l'enfoncer dans l'eau en direction de la calla où ils habitaient depuis seulement une année, avec sa toute jeune femme. Vittorio se dit que c'était la première fois que son ami se montrait muet. Et que lui-même avait bien de la chance de savoir Martina en sécurité. Il eut une pensée pour ses fils, l'un voyageait en Australie, l'autre était en France pour passer son doctorat de français. Cela faisait une petite semaine qu'ils ne s'étaient pas appelés ou donné des nouvelles sur les réseaux sociaux. Il se promit de le faire dès qu'il rentrerait.

 

07/03/14



07/03/2014
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