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Curieuse chronique de Noël ( 2013)

Il y a moins d'une semaine, je passais quelques jours pour les fêtes chez ma fille. Elle habite au premier étage d'un petit immeuble, dans une rue tranquille de Besançon.

 

Je descendais régulièrement mon chien pour ses promenades quotidiennes. Ce soir-là, je n'avais pas eu envie de me bousculer pour ouvrir la lourde porte cochère, tout encombrée de mon bougre de gentil, mais volumineux et bougeon Bouvier suisse...

 

J'avais donc choisi d'attacher la laisse de mon chien ( dans le noir, la lumière s'étant éteinte et le bouton étant loin de moi...) avant de sortir. Lorsque la porte s'ouvrit brutalement, révélant dans la lumière, mais à contre-jour, une jeune femme chargée comme un... comment dit-on déjà ? Comme un baudet ! Ça doit être ça... Je n'aurais pas cru possible qu'on puisse autant charger quelqu'un ( à part les sherpas, peut-être ?), et surtout avec un tel bric-à-brac – tel que chaise pliable passée dans le creux d'un coude, divers sacs en bandoulière de divers volumes et formes, divers trucs dans les deux mains et j'en passe...

 

Un instant stupéfaites l'une et l'autre, l'une de l'autre ; le silence allant de paire avec notre immobilité soudaine ; mon chien, lui, n'en perdit pas le nord...

 

Comme, sentant le vent de la liberté, il manifestait quelque impatience, la jeune femme chargée comme un chameau – je l'ai déjà dit, je crois... - me libéra le passage. Je la remerciai d'un sourire et me retournai aussitôt pour lui tenir à mon tour la porte : Je vais vous aider, vous avez l'air plutôt chargée...murmuré-je en lui souriant. En fait, j'avais peur de lui faire encore plus peur...Et là, elle me transperce d'un regard ébahi... Comme si lui rendre service, ou lui parler, ou lui sourire alors que nous étions de parfaites inconnues... était de l'ordre d'une opération extra-terrestre !

 

D'ailleurs, il m'a semblé qu'elle avait les yeux rouges, couleur jambon cru autour, comme quelqu'un qui a tellement pleuré qu'elle ne peut plus le dissimuler, malgré tous ses efforts antérieurs sans doute... Je n'ai pu m'empêcher de faire le rapprochement avec les pleurs, les sanglots... de cette jeune femme qui nous avait réveillées, ma fille et moi, le matin même.

 

Elle devait se confier à une femme plus âgée dont la voix se faisait entendre rarement, car cette dame écoutait surtout les confidences de la jeune femme en peine... Je n'entends pas très bien d'une oreille et je ne souhaitais pas écouter ce drame qui se déroulait sous la fenêtre. J'entendis malgré moi, car la jeune femme avait enflé sa voix de colère et d'indignation : T'aurais vu comme il est violent, ce con !... J'en restai pétrifiée, n'osant faire de bruit ni avec le robinet pour boire un coup, ni avec la chasse d'eau pour... Enfin ! La voix de la femme plus âgée avait beau paraître comme un baume sur les blessures de sa jeune comparse, voix douce et grave, voix douce et calme... La jeune femme ne s'apaisa pas : Je me fous des voisins ! Ces brèves insertions intelligibles aussitôt suivies du flot de ses lamentations qui fuyaient comme autant de vagues étouffantes qui forçaient le passage. Et la scène dura plus de trois-quarts d'heure.

 

Mon chien dut attendre pour sa sortie matinale qu'elles se taisent pour que j'ose enfin bouger  et faire du bruit... J'avoue que j'avais très envie de me pointer, de leur dire gentiment : Écoutez, je suis désolée, mais j'en ai entendu pas mal. Si vous voulez, je peux vous proposer une séance de reiki, ça vous fera beaucoup de bien. Ça vous calmera, déjà, à coup sûr... Ensuite, vous aurez les idées plus claires pour réfléchir et prendre une décision la tête froide.

 

Je n'osai pas, bien sûr. La première raison fut que, maudite oreille, je ne capte pas la source des sons, je n'étais donc pas sûre du lieu de leur conversation : dans le jardin sous la fenêtre ? A l'étage au-dessus ?... Ensuite, je n'ai pas le cran de m'imposer ainsi à des inconnues, qui n'auraient sans doute pas apprécié mon intrusion dans un dialogue privé, même si presque mis sur internet... intranet de l'immeuble, en tous cas !...

 

Mais je reste persuadée, dans un coin de ma tête, que la jeune femme aux grands yeux ébahis entourés de jambon pourrait très bien être celle-là du matin, qui pleurait toute l'eau de son corps et se vidait de son reste d'oxygène à force de sanglots.

 

Je souhaite de tout cœur qu'elle trouve – qu'elles trouvent ?... - une solution juste en elle( s) et qu'elle(s) prennent une décision salvatrice.

 

Vive les bonnes résolutions pour 2014 ! Mais comprenne qui peut le langage de son corps, de ses émotions, et leur obéisse. Ce sont nos plus fidèles alliés.

 

05/01/14



05/01/2014
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